Fondements historiques de l’ABA pour l’autisme

C’est en 1948, à l’Institut de recherches sur le développement de l’enfant à Washington, que les premières recherches en analyse du comportement pour le traitement de l’autisme ont vu le jour. Dans ce laboratoire, la psychologie du développement est entièrement reliée à l’analyse du comportement et ses premières applications à l’autisme se trouvent dans les études de Ferster et DeMeyer en 1961[1] et de Wolf, Risley et Mees en 1964[2].

Tout commence réellement en 1962 quand Lovaas et ses collaborateurs[3] entreprennent une étude exploratoire de deux années auprès d’une jeune fille autiste de 13 ans ayant des comportements d’automutilation et un langage en écholalie. Ils utilisent des procédures comportementales (béhavioriste) et élaborent un système de mesure des comportements par observation systématique, ce qui leur permet de tester l’efficacité des techniques qu’ils appliquent. Riches de leurs découvertes, Lovaas et son équipe commencent l’élaboration d’un protocole plus précis. Ainsi, dès 1964, Lovaas a mené de nombreuses études sur l’apprentissage du langage et d’autres compétences adaptatives. Par exemple : (LOVAAS, I., BERBERICH, J.P., PERLOFF, B.F. & SCHAEFFER, B., 1966), (LOVAAS, I., FREITAG, G., KINDER, M.I., RUBENSTEIN, B.D., SCHAEFFER, B. & SIMMONS, J.Q., 1966). Il démontre en 1965[4] et en 1969[5] que l’ABA est efficace pour réduire, voir éliminer les comportements d’automutilation.

En 1971, Lovaas continue ses recherches sur la discrimination auditive et visuelle des enfants avec autisme[6].

C’est en 1987 que Lovaas [7] va publier une nouvelle étude reprenant l’ensemble de ses recherches. Les résultats de cette étude prouvent l’efficacité de l’intervention comportementale sur des enfants avec autisme. En effet, 47% des enfants ayant reçu une thérapie intensive (40+ heures par semaine) devenaient indifférenciables des autres enfants de leur âge à l’entrée au primaire. Tous les enfants avaient moins de 4 ans au début du traitement. Cette étude était la première du genre à donner aux parents d’enfants précocement diagnostiqués quelque espoir et une piste à suivre. De plus, l’étude suivante de Lovaas et de deux de ses collègues, publiée en 1993[8], indiquait que ces enfants (les 47%) maintenaient leur compétence au-delà de 13 ans. C’est la naissance de « La méthode Lovaas » et de l’ABA pour enfant atteints de TSA.

Lovaas n’a jamais revendiqué la paternité de l’ABA et son travail n’a jamais été une marque déposée. Il voulait que ses recherches, construites sur les découvertes de ceux qui l’avaient précédé, puissent être affinées et servent de base à ceux qui les poursuivraient. Les procédures utilisées par Lovaas dans les années 1980 ont par ailleurs bien évolué et diffèrent de celles employées dans les années 1960. Les recherches et les expériences cliniques ont permis une évolution continue des méthodes de traitement. Ainsi, la punition a petit à petit été remplacée par des programmes comportementaux plus sophistiqués. L’ensemble du programme est devenu plus clair et plus naturel.

Les travaux d’Ivar Lovaas

Ivar Lovaas est un docteur en psychologie norvégien qui a consacré cinquante ans de sa vie aux enfants avec autisme. S’inspirant des pratiques du behaviorisme et des fondements de l’ABA développés bien avant ses recherches, il est reconnu comme l’un des pionniers de l’emploi des principes et procédures de l’ABA dans le traitement des enfants atteints de TSA.

Au début des années 1960, Lovaas commence à étudier les effets des procédures comportementales sur l’automutilation. Il le fait avec des enfants qui manifestent des comportements extrêmement dangereux, comme se crever les yeux, se frapper la tête contre les murs, manger leur chair et s’arracher les doigts.  Il décide d’ignorer les comportements considérés comme nocifs et de fournir une quantité importante de renforcements positifs pour chaque comportement alternatif adopté par les enfants.  Cela s’est révélé influent car les comportements problèmes, maintenus en raison de l’attention accordée lorsqu’ils apparaissaient, ont disparu. Comme la diminution des automutilations a été lente Lovaas a décidé d’étudier l’ajout de procédures de punition dans le traitement, afin de les supprimer plus rapidement. L’analyse des résultats montrent nettement l’efficacité de la combinaison des procédures de punition et du renforcement positif. On peut constater que non seulement les comportements d’automutilation sont supprimés plus rapidement lors de l’expérimentation, mais aussi que l’effet s’étend à d’autres situations et à d’autres comportements inappropriés tels que les colères ou l’autostimulation.  De plus, les résultats du traitement semblent se maintenir dans le temps. Il a aussi constaté que les comportements inappropriés ne sont pas aléatoires mais qu’ils ont un sens, un but spécifique pour l’enfant qui les émet. Il soulève l’idée que ces comportements peuvent permettre à l’enfant d’obtenir de l’attention, de communiquer un désir ou encore d’éviter une situation désagréable. Il lui semble donc essentiel d’apprendre à l’enfant comment arriver au même résultat, mais de façon adaptée.

Il a démontré qu’en utilisant des procédures ABA, les enfants pouvaient non seulement apprendre à parler, mais également apprendre d’autres compétences essentielles comme le jeu, les interactions sociales et l’autonomie. Avant ses découvertes, l’autisme était perçu comme une condamnation irréversible à un fonctionnement cognitif limité. Lovaas a prouvé que ces enfants possédaient bien plus de potentiel que l’on ne pouvait l’imaginer et qu’il fallait en tenir compte.

Le Young Autism Projet ou Le modèle de Lovaas

« Le modèle de Lovaas est idéalement effectué 5 à 7 jours par semaine pour une durée de 5 à 7 heures par jour pour des sessions de 2 à 4 heures, totalisant une moyenne de 35-40 heures par semaine.

 Chaque séance est divisée en essais avec des interruptions intermittentes. Les essais ne durent pas un temps défini mais se terminent lorsque l’intervenant perd l’attention de l’enfant.

Chaque essai est composé d’une série d’incitations (verbales, gestuelles, physiques, etc.) qui sont émises par l’intervenant qui est placé en face à face à table avec l’enfant. Ces incitations peuvent aller de « met dans », « met sur », « montre-moi », « donne-moi » et ainsi de suite, en référence à un objet, une couleur, un simple geste imitatif, etc.

Le concept est centré sur le façonnement de la réponse correcte de l’enfant par les guidances, l’augmentation de la capacité d’attention de l’individu, et l’entrée de l’enfant dans les apprentissages scolaires. Si l’enfant ne parvient pas à répondre à une demande, un « souffleur », assis derrière l’enfant, utilise une guidance, de la moins forte à la plus forte, jusqu’à obtenir la réponse. La guidance physique est utilisée pour corriger l’erreur de l’individu ou sa non-compliance. Chaque réponse correcte est renforcée verbalement et avec un renforçateur tangible (nourriture, jouet…)».[9]

La particularité de ce traitement est l’adhésion des parents au traitement.

Depuis l’expérience de Lovaas, ses résultats ont été reproduits à de nombreuses reprises, ce qui permet de s’assurer de la réelle efficacité de ce type de traitement. Citons Eldevik et al.[10], Reichow et Wolery[11], Spreckley et Boyd[12], Viruès-Ortega[13] et Makrygianni et Reed[14].

L’ABA d’aujourd’hui ou les modèles d’intervention pour l’autisme

« Bien évidemment, la science évolue. Qui serait tenté d’adopter un traitement en cancérologie provenant des années 60 en comparaison avec un traitement développé récemment ? »[15]

Depuis sa conception, la plupart des programmes ABA concernant l’autisme sont issus du modèle de Lovaas des années 60. Heureusement, les pratiques évoluent dans tous les domaines scientifiques et il en est de même en analyse appliquée du comportement.

Depuis plus d’une quinzaine d’années, une nouvelle approche a émergé des bases de l’apprentissage de l’ABA. Elle découle des recherches de Skinner dans son livre Verbal Behavior[16]. Ce livre fut ignoré durant des décennies, sans doute parce qu’il est très compliqué. Ce ne fut que lorsque le Docteur Jack Michael et l’étudiant en doctorat de philosophie, Mark Sundberg, commencèrent à s’en servir pour apprendre le langage aux enfants touchés par toutes sortes de troubles du développement que l’on prit enfin conscience des applications possibles.

Ce fut en 1998, avec la publication des trois livres de Sundberg et Partington que les parents manifestèrent leur intérêt pour cette approche dont l’ouvrage majeur est « Teaching language to children with autism or over development disabilities »[17]. Cependant, c’est le plus populaire des trois livres « Assessment of Basic Language and Learning Skills »[18] plus communément appelé ABLLS qui retient toutes les attentions. Ce fût la naissance de l’ABA/VB (Verbal Behavior). Car l’ABLLS est à la fois un programme, une grille d’évaluation et un formulaire pour répertorier des données. Je vous parlerai plus longuement de cet outil qu’est l’ABLLS dans le chapitre « Evaluer et établir un curriculum de l’enfant » car il s’agit de l’ouvrage que mon centre de stage « Les Jacinthes » a pris comme outil pour réaliser les évaluations et les programmes de ses enfants. C’est d’ailleurs l’approche ABA/VB qui y est pratiquée.

Avec l’ABA/VB, l’accent est mis sur des domaines primordiaux dans le développement humain tels que la communication, les interactions sociales, le langage et le jeu. Il est alors distingué comme une forme d’ABA basé sur la communication avec un objectif d’apprentissage en milieu naturel (NET = Natural environment teaching). L’objectif est de travailler sur des activités fonctionnelles pour que tous les apprentissages aient du sens pour le participant et ne soient pas seulement une liste de compétences à acquérir pour « entrer dans une norme ». Dans le Verbal Behavior la priorité d’intervention est l’acquisition des éléments du langage par le versant expressif contrairement à Lovaas qui cherche à développer le versant réceptif. On apprend à l’enfant à exprimer des affects et faire des demandes sur des objets désirés ou bien des activités sans qu’on les lui impose ou qu’on les devine. On cherche donc à donner à l’enfant des moyens de communication alternatifs comme le langage des signes, le PECS…. Et contrairement à la méthode Lovaas, l’enfant n’est pas soumis à un apprentissage intensif avec un minimum de 40 h par semaine. L’ABA/VB se base sur le temps de travail préconisé par l’éducation nationale avec 25h par semaine sur un ratio de 20% d’apprentissage pour 80% de maintien. Mais, puisque le parent est considéré comme co-thérapeute, les apprentissages se poursuivent à domicile (voir chapitre sur la guidance parentale).

[1] (FERSTER, C. & DEMEYER, M., 1961)

[2] (WOLF, MM., RISLEY, T. & MEES, H., 1964)

[3] Freitag, Gold & Kassorla

[4] (LOVAAS, I., FREITAG, G., GOLD, V.J. & KASSORLA, I.C., 1965)

[5] (LOVAAS, I. & SIMMONS, J.Q., 1969)

[6] (LOVAAS, 1977)

[7] (LOVAAS, 1987)

[8] (MCEACHIN J. J., SMITH T. & LOVAAS I., 1993)

[9] (KESER, 2015)

[10] (ELDEVIK, S., HASTINGS, RP., HUGHES, C., JAHR, E., EIKESETH, S. & CROSS, S., 2009)

[11] (REICHOW, B. & WOLERY, M., 2009)

[12] (SPRECKLEY, M. & BOYD, R., 2009)

[13] (VIRUES-ORTEGA, 2010)

[14] (MAKRYGIANNI, MK. & REED, P., 2010)

[15] (RIVIERE, 2006) p.31

[16] (SKINNER, 1957)

[17] (SUNDBERG, M. & PARTINGTON, J., 1998)

[18] (PARTINGTON, J. & SUNDBERG, M., 1998)

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