L’ABA résulte de l’analyse du comportement provenant du Radical Behaviorism, provenant lui-même du behaviorisme. L’ABA est donc une approche purement comportementale issue d’un long processus.
Ivan Setchenov
Ivan Mikhaïlovitch Setchenov (1829-1905) est un physiologiste et neurologue russe.
En 1863, il écrit un ouvrage de vulgarisation qui connut un grand succès (Les Réflexes du cerveau), et fut à l’origine de la vocation de nombreux chercheurs, parmi lesquels Ivan Pavlov.
Il mit en évidence le fait que toute exposition répétée à un stimulus provoque une habituation à ce stimulus.
Ivan Pavlov et le conditionnement répondant
Ivan Pavlov (1849-1936) est un médecin et physiologiste.
En 1889, Il commence une étude et des expériences sur les fonctions gastriques du chien en analysant la salive produite dans différentes conditions, en réponse aux aliments.
Au cours de cette expérience, il constate que les chiens salivent avant d’avoir reçu physiquement la nourriture, ce qui le conduit à changer ses objectifs. En effet, il vient de découvrir le conditionnement répondant, c’est-à-dire les lois fondamentales pour l’acquisition et la perte des réflexes conditionnés.
En 1904, il reçoit le prix Nobel de médecine pour ses travaux.
Edward Lee Thorndike
Edward Lee Thorndike (1874-1949) est un psychologue américain, précurseur du Behaviorisme.
Les recherches de Thorndike sont dirigées sur l’apprentissage instrumental.
Ces expériences permettent à Thorndike de formuler des grandes lois de l’apprentissage dont les deux plus connues sont :
- La loi de l’effet : un comportement suivi d’une récompense sera associé à la situation qui l’a déclenché.
- La loi de l’exercice : plus un sujet se comporte d’une certaine façon dans une situation donnée, plus l’association entre cette situation et ce comportement sera renforcée.
John Watson
John Broadus Watson (1878-1958) est un psychologue américain reconnu comme le fondateur du béhaviorisme. Il souhaite faire de la psychologie une science objective excluant tout rapport à l’introspection. Pour Watson, la psychologie doit se limiter à l’étude rigoureuse des comportements observables tels qu’ils se produisent en réponse à un stimulus défini.
Burrhus Frederic Skinner
Burrhus Frederic Skinner (1904-1990) est un psychologue américain qui a été élu par ses pairs comme le plus éminent psychologue du XXème siècle (The 100 Most Eminent Psychologists of the 20th Century, Review of General Psychology, Haggbloom & al, 2002) et aussi comme l’un des scientifiques les plus influents.
Continuant dans la lignée de ces prédécesseurs, il découvre en 1938 le concept du conditionnement opérant. Le concept est qu’il y a toujours un antécédent (stimulus) et une conséquence à un comportement donné. C’est la conséquence qui va conditionner le comportement. Il fonde l’EBA (Experimental Behaviour Analysis) ou analyse expérimentale du comportement jetant les bases du béhaviorisme moderne.
De ce concept découle les concepts de renforcement positif, renforcement négatif, punition positive, punition négative, extinction… mais aussi l’échappement, l’évitement, le renforcement non-contingent, le calendrier de renforcement (ratio fixe, variable, continu, intervalle fixe, intervalle variable), discrimination, généralisation…
C’est en 1957 qu’il publie le livre « Verbal Behavior« [1] où il applique les principes du conditionnement opérant à la communication. Il y différencie plusieurs niveaux d’abstraction (opérants verbaux) et exprime le fait que la communication est vue comme un comportement particulier qui vise à obtenir des conséquences bien précises au travers d’autres individus.
Dans l’ouvrage « The Technology of Teaching« [2] Skinner suggère grâce à ses recherches que toutes les compétences adaptées à l’âge peuvent être enseignées en suivant ces étapes :
- Préciser clairement l’action ou la performance que l’élève doit apprendre ;
- Décomposer la tâche en petites étapes réalisables, allant du simple au complexe ;
- Laisser l’élève effectuer chaque étape, renforcer les actions correctes ;
- Ajuster le programme de manière à ce que la réponse de l’étudiant soit toujours couronnée de succès jusqu’à ce que le but soit finalement atteint ;
- Transférer vers un renforcement intermittent pour maintenir la performance de l’élève.
Il existe aujourd’hui un courant ABA appelé ABA/VB (Verbal Behavior) qui se base sur les travaux de Skinner.
Naissance de l’ABA
C’est Fuller, dans son article publié en 1949[3], qui est le premier à décrire l’application des techniques du conditionnement opérant à un être humain.
C’est entre les années 1950 et 1960 que de nombreux chercheurs essaient de déterminer si les méthodes expérimentales béhavioristes développées en laboratoire avec des animaux s’appliquent également aux humains. Par exemple, Sid Bijou cherche à définir les principes béhavioristes opérant avec des jeunes enfants[4], Baer observe les effets des punitions, fuite et évitement sur des enfants de maternelle[5].
Le début formel de l’ABA est situé en 1959 avec la publication d’un article de Ayllon et Michael intitulé « L’infirmière psychiatrique en tant qu’ingénieure comportementale » (The pyschiatric nurse as behavioral engineer)[6]. Durant les années 1960, de nombreux chercheurs essayèrent d’appliquer les techniques d’analyse comportementale développées jusque-là en laboratoire dans des environnements usuels et quotidiens. Cette transposition ne fut pas simple et donna lieu à la mise au point de méthodes spécifiques à l’analyse appliquée du comportement[7].
Le Journal of Applied Behavior Analysis fut créé en 1968. Dans son premier numéro fut publié un article fondateur de la discipline par Baer, Wolf et Risley : « Some current dimensions of Applied Behavior Analysis »[8].
Bien que l’ABA soit une démarche recommandée pour aider les personnes avec autisme son application n’y est pas limitée. L’ABA aide également des personnes atteintes de nombreuses pathologies (Ex : addictions, TOC, dépression, schizophrénie, X-fragile, syndrome de Rett…).
Fondements historiques de l’ABA pour l’autisme
C’est en 1948, à l’Institut de recherches sur le développement de l’enfant à Washington, que les premières recherches en analyse du comportement pour le traitement de l’autisme ont vu le jour. Dans ce laboratoire, la psychologie du développement est entièrement reliée à l’analyse du comportement et ses premières applications à l’autisme se trouvent dans les études de Ferster et DeMeyer en 1961[9] et de Wolf, Risley et Mees en 1964[10].
Tout commence réellement en 1962 quand Lovaas et ses collaborateurs[11] entreprennent une étude exploratoire de deux années auprès d’une jeune fille autiste de 13 ans ayant des comportements d’automutilation et un langage en écholalie. Ils utilisent des procédures comportementales (béhavioriste) et élaborent un système de mesure des comportements par observation systématique, ce qui leur permet de tester l’efficacité des techniques qu’ils appliquent. Riches de leurs découvertes, Lovaas et son équipe commencent l’élaboration d’un protocole plus précis. Ainsi, dès 1964, Lovaas a mené de nombreuses études sur l’apprentissage du langage et d’autres compétences adaptatives. Par exemple : (LOVAAS, I., BERBERICH, J.P., PERLOFF, B.F. & SCHAEFFER, B., 1966), (LOVAAS, I., FREITAG, G., KINDER, M.I., RUBENSTEIN, B.D., SCHAEFFER, B. & SIMMONS, J.Q., 1966). Il démontre en 1965[12] et en 1969[13] que l’ABA est efficace pour réduire, voir éliminer les comportements d’automutilation.
En 1971, Lovaas continue ses recherches sur la discrimination auditive et visuelle des enfants avec autisme[14].
C’est en 1987 que Lovaas [15] va publier une nouvelle étude reprenant l’ensemble de ses recherches. Les résultats de cette étude prouvent l’efficacité de l’intervention comportementale sur des enfants avec autisme. En effet, 47% des enfants ayant reçu une thérapie intensive (40+ heures par semaine) devenaient indifférenciables des autres enfants de leur âge à l’entrée au primaire. Tous les enfants avaient moins de 4 ans au début du traitement. Cette étude était la première du genre à donner aux parents d’enfants précocement diagnostiqués quelque espoir et une piste à suivre. De plus, l’étude suivante de Lovaas et de deux de ses collègues, publiée en 1993[16], indiquait que ces enfants (les 47%) maintenaient leur compétence au-delà de 13 ans. C’est la naissance de « La méthode Lovaas » et de l’ABA pour enfant atteints de TSA.
Lovaas n’a jamais revendiqué la paternité de l’ABA et son travail n’a jamais été une marque déposée. Il voulait que ses recherches, construites sur les découvertes de ceux qui l’avaient précédé, puissent être affinées et servent de base à ceux qui les poursuivraient. Les procédures utilisées par Lovaas dans les années 1980 ont par ailleurs bien évolué et diffèrent de celles employées dans les années 1960. Les recherches et les expériences cliniques ont permis une évolution continue des méthodes de traitement. Ainsi, la punition a petit à petit été remplacée par des programmes comportementaux plus sophistiqués. L’ensemble du programme est devenu plus clair et plus naturel.
Les travaux d’Ivar Lovaas
Ivar Lovaas est un docteur en psychologie norvégien qui a consacré cinquante ans de sa vie aux enfants avec autisme. S’inspirant des pratiques du behaviorisme et des fondements de l’ABA développés bien avant ses recherches, il est reconnu comme l’un des pionniers de l’emploi des principes et procédures de l’ABA dans le traitement des enfants atteints de TSA.
Au début des années 1960, Lovaas commence à étudier les effets des procédures comportementales sur l’automutilation. Il le fait avec des enfants qui manifestent des comportements extrêmement dangereux, comme se crever les yeux, se frapper la tête contre les murs, manger leur chair et s’arracher les doigts. Il décide d’ignorer les comportements considérés comme nocifs et de fournir une quantité importante de renforcements positifs pour chaque comportement alternatif adopté par les enfants. Cela s’est révélé influent car les comportements problèmes, maintenus en raison de l’attention accordée lorsqu’ils apparaissaient, ont disparu. Comme la diminution des automutilations a été lente Lovaas a décidé d’étudier l’ajout de procédures de punition dans le traitement, afin de les supprimer plus rapidement. L’analyse des résultats montrent nettement l’efficacité de la combinaison des procédures de punition et du renforcement positif. On peut constater que non seulement les comportements d’automutilation sont supprimés plus rapidement lors de l’expérimentation, mais aussi que l’effet s’étend à d’autres situations et à d’autres comportements inappropriés tels que les colères ou l’autostimulation. De plus, les résultats du traitement semblent se maintenir dans le temps. Il a aussi constaté que les comportements inappropriés ne sont pas aléatoires mais qu’ils ont un sens, un but spécifique pour l’enfant qui les émet. Il soulève l’idée que ces comportements peuvent permettre à l’enfant d’obtenir de l’attention, de communiquer un désir ou encore d’éviter une situation désagréable. Il lui semble donc essentiel d’apprendre à l’enfant comment arriver au même résultat, mais de façon adaptée.
Il a démontré qu’en utilisant des procédures ABA, les enfants pouvaient non seulement apprendre à parler, mais également apprendre d’autres compétences essentielles comme le jeu, les interactions sociales et l’autonomie. Avant ses découvertes, l’autisme était perçu comme une condamnation irréversible à un fonctionnement cognitif limité. Lovaas a prouvé que ces enfants possédaient bien plus de potentiel que l’on ne pouvait l’imaginer et qu’il fallait en tenir compte.
Le Young Autism Projet ou Le modèle de Lovaas
« Le modèle de Lovaas est idéalement effectué 5 à 7 jours par semaine pour une durée de 5 à 7 heures par jour pour des sessions de 2 à 4 heures, totalisant une moyenne de 35-40 heures par semaine.
Chaque séance est divisée en essais avec des interruptions intermittentes. Les essais ne durent pas un temps défini mais se terminent lorsque l’intervenant perd l’attention de l’enfant.
Chaque essai est composé d’une série d’incitations (verbales, gestuelles, physiques, etc.) qui sont émises par l’intervenant qui est placé en face à face à table avec l’enfant. Ces incitations peuvent aller de « met dans », « met sur », « montre-moi », « donne-moi » et ainsi de suite, en référence à un objet, une couleur, un simple geste imitatif, etc.
Le concept est centré sur le façonnement de la réponse correcte de l’enfant par les guidances, l’augmentation de la capacité d’attention de l’individu, et l’entrée de l’enfant dans les apprentissages scolaires. Si l’enfant ne parvient pas à répondre à une demande, un « souffleur », assis derrière l’enfant, utilise une guidance, de la moins forte à la plus forte, jusqu’à obtenir la réponse. La guidance physique est utilisée pour corriger l’erreur de l’individu ou sa non-compliance. Chaque réponse correcte est renforcée verbalement et avec un renforçateur tangible (nourriture, jouet…)».[17]
La particularité de ce traitement est l’adhésion des parents au traitement.
Depuis l’expérience de Lovaas, ses résultats ont été reproduits à de nombreuses reprises, ce qui permet de s’assurer de la réelle efficacité de ce type de traitement. Citons Eldevik et al.[18], Reichow et Wolery[19], Spreckley et Boyd[20], Viruès-Ortega[21] et Makrygianni et Reed[22].
[1] (SKINNER, 1957)
[2] (SKINNER, 1968)
[3] (FULLER, 1949)
[4] (BIJOU, 1955)
[5] (BAER, 1960)
[6] (AYLLON, T. & MICHAEL, J., 1959)
[7] (COOPER, J. O., HERON, T. E. & HEWARD W. L., 2007) p. 14
[8] (BAER, D.M., WOLF, M.M. & RISLEY, T.R., 1968)
[9] (FERSTER, C. & DEMEYER, M., 1961)
[10] (WOLF, MM., RISLEY, T. & MEES, H., 1964)
[11] Freitag, Gold & Kassorla
[12] (LOVAAS, I., FREITAG, G., GOLD, V.J. & KASSORLA, I.C., 1965)
[13] (LOVAAS, I. & SIMMONS, J.Q., 1969)
[14] (LOVAAS, 1977)
[15] (LOVAAS, 1987)
[16] (MCEACHIN J. J., SMITH T. & LOVAAS I., 1993)
[17] (KESER, 2015)
[18] (ELDEVIK, S., HASTINGS, RP., HUGHES, C., JAHR, E., EIKESETH, S. & CROSS, S., 2009)
[19] (REICHOW, B. & WOLERY, M., 2009)
[20] (SPRECKLEY, M. & BOYD, R., 2009)
[21] (VIRUES-ORTEGA, 2010)
[22] (MAKRYGIANNI, MK. & REED, P., 2010)