Comprendre le comportement social
Les personnes qui ont de l’autisme ont des difficultés à décoder le comportement social. Elles ont des problèmes liés au contexte et au transfert des compétences. La spontanéité et l’intuition dans l’interaction sont souvent particulières ou même absentes chez les bébés et les jeunes enfants avec autisme. Un bébé ordinaire regarde son hochet et sourit à sa maman. Elle lui rend son sourire et lui donne son hochet.
Chez ces enfants, le développement se déroule d’une autre manière. On peut parfois déceler très tôt la pensée autistique dans leur interaction avec leur maman. Ce serait toutefois un cliché de dire qu’ils n’ont pas de contact avec leur mère. La prise de contact est juste différente en raison du développement différent de l’interaction sociale et de la communication. De plus, la manière dont cette interaction se déroule varie d’un enfant à l’autre. Certains bébés ne cherchent aucun contact visuel alors que d’autres le font. Certains bébés n’aiment pas être touchés alors que d’autres adorent les câlins. Certains bébés ne tendent pas les mains pour être pris à bras. Non pas parce qu’ils ne veulent pas être câlinés, mais bien parce qu’ils ne savent pas comment ils peuvent l’exprimer.
Les problèmes liés au contexte peuvent donner lieu à des situations difficiles. Les enfants avec autisme essayent de trouver leurs propres marques dans un monde chaotique et généralisent difficilement d’un contexte à un autre. Ils peuvent, par exemple, jouer avec des duplos en classe et ne jamais le faire à la maison. Ils mangent de la soupe chez leur grand-mère, mais jamais chez leur maman. Ils parlent avec leur maman, mais pas avec l’institutrice. Ces personnes sont donc également liées à des contextes précis.

L’instinct social
C’est au psychologue du développement Jérôme Bruner que nous devons l’expression ‘au-delà de l’information donnée’. Dans son étude sur le développement des enfants ordinaires, il est étonné de constater que ceux-ci semblent avoir une intuition ou un instinct pour aller au-delà du sens littéral. Ils semblent être dotés d’un talent inné pour apprendre à comprendre les abstractions du langage et du comportement social.
Même si cela paraît normal, il s’agit presque d’un miracle. Dès la naissance, les enfants s’orientent spontanément vers les sons humains. Ils les préfèrent aux autres sons. Ils n’ont pas besoin de cours de langage pour apprendre à décoder ces sons abstraits. Ils comprennent les mots abstraits et commencent à parler, même s’ils y sont à peine stimulés.
La compréhension sociale ne fait qu’accroître le miracle. Les enfants semblent naître avec un instinct social. Ils regardent plus précocement et plus intensément les êtres humains que les objets. Il leur suffit d’un soutien extérieur minime pour apprendre à comprendre ce langage si difficile qu’est celui des yeux, des visages, des mains et des corps. Chez les personnes avec autisme (avec ou sans déficience intellectuelle), le décodage du langage et du comportement social n’est pas aussi automatique.
Le déchiffrage des symboles sociaux
Pour les personnes avec autisme, le comportement social est encore plus difficile à comprendre que les symboles de la communication. Jérôme Bruner parle de ‘symboles sociaux en mouvement perpétuel’ : les situations sociales ne sont jamais tout à fait identiques. Et c’est précisément ce qui doit être terrifiant pour une personne qui aimerait que le monde ne change pas beaucoup…
Prenons le film ‘Rain man’. La petite amie de son frère lui demande : « As-tu déjà été embrassé par une femme ? » Elle l’embrasse et lui demande comment c’était. Et Rain Man répond : « Mouillé ». A dire vrai, ce n’est pas drôle car vous êtes de nouveau face à une caractéristique particulière du traitement de l’information : la difficulté à passer outre le sens littéral. Au niveau de la perception, Rain Man a raison : c’est humide. Mais l’émotion et la tendresse qui se cachent derrière la perception sont pour lui (encore) difficiles à saisir.
Auparavant, on pensait que la relation entre une mère et son enfant était perturbée et on rejetait la faute sur la maman. On sait, aujourd’hui, que c’est plutôt lié à la nature particulière des enfants ayant de l’autisme, qui éprouvent des difficultés à aller au-delà des informations littérales de la perception. Ces personnes ont des problèmes pour déchiffrer les symboles sociaux. Pour les personnes ordinaires, c’est souvent incompréhensible parce que leur intuition sociale est forte. Du matin au soir, nous décodons presque automatiquement les intentions et sentiments des autres. C’est devenu une seconde nature.
Marc Segar, un Anglais ayant le syndrome d’Asperger, a écrit un guide de survie pour ceux qui, comme lui, ont ce syndrome. Il leur explique ce qu’ils doivent savoir sur le comportement ‘ordinaire’ pour ne pas se trouver en difficulté. Il donne une superbe définition de l’autisme : « … les personnes atteintes d’autisme doivent apprendre de manière scientifique ce que les autres comprennent de manière intuitive… »
Observons ce que Marc Segar dit dans son exemple (lire « ils racontent… ») à propos du ‘langage des yeux’. Vous remarquerez que c’est un penseur logique qui s’exprime, un scientifique qui étudie la culture sociale étrange des personnes dites normales.
Cet exemple montre clairement que l’information sociale peut être interprétée de manière différente. La grande difficulté est donc de déduire la signification correcte de ce que l’on voit. Pour les personnes avec autisme, l’information sociale est très difficile à décoder, pour nous, elle est très facile. De là cette difficulté à se comprendre mutuellement. Il faut beaucoup d’imagination pour se représenter la perception du monde de ces personnes aveugles ou malvoyantes sur le plan social, alors que les personnes douées avec autisme ont besoin d’une étude approfondie pour comprendre la signification de notre comportement social. La construction de ponts entre nos deux cultures constitue le défi le plus important.
Sources : http://www.participate-autisme.be/go/fr/comprendre-l-autisme/qu-est-ce-que-l-autisme/autisme-de-linterieur/l-autisme-et-l-interaction-sociale.cfm