http://autisme.tv5monde.com/portfolio/erwan-imitation/
Comment travailler…l’imitation
L’imitation est indispensable pour acquérir de nouvelles compétences. C’est en regardant ce que font les autres qu’un enfant peut apprendre à diversifier son répertoire d’actions et à acquérir de l’autonomie.
D’une façon générale, il est souvent intéressant d’avoir du matériel en double exemplaire, pour permettre de nombreuses activités d’imitation. L’imitation n’est pas travaillée isolément, elle est en lien avec le regard, l’attention conjointe, l’interaction, le tour de rôle, la mémoire, la coordination…
- Principes à respecter
Quelques notions sont importantes à respecter dans la progression du travail de l’imitation, comme dans l’apprentissage d’autres compétences.
– La guidance : il faut faire attention à la guidance que l’on utilise, et la diminuer progressivement
– Les renforçateurs : ils doivent être adaptés à l’enfant et à la situation, et sont également à diminuer au fur et à mesure
– La progression des activités : on va du plus simple et court vers le plus complexe et long, on part d’un modèle en réel (nous-mêmes), puis un modèle en jouets puis un modèle imagé. Par exemple, pour l’imitation du geste « se toucher la tête », on peut d’abord se toucher la tête nous-mêmes et demander à l’enfant de faire pareil, puis on fait toucher sa tête à un personnage ou une peluche, puis on passe à une carte où un personnage se touche la tête. On va du concret vers le plus abstrait et symbolique.
– Le temps de latence : il peut être important chez les personnes porteuses de TED. Il faut donc penser à attendre après avoir donné une consigne, que l’information soit traitée pour que la consigne puisse être exécutée.
– La nécessité de répétition : une compétence peut être travaillée pendant plusieurs jours, semaines, mois, en diminuant la guidance, avant de pouvoir être considérée comme acquise.
Voici quelques idées d’activités et de matériels que j’utilise en séance.
- Imitation motrice
Matériel : pot/bâton, corps, pâte à modeler, environnement, cartes de mimes
Activités :
– taper sur le pot avec un bâton : soit chacun a son bâton, soit on tape chacun son tour avec un bâton. On peut faire varier de nombreux paramètres : intensité (fort/doucement), fréquence (vite/lentement), on peut aussi travailler de petites séquences rythmiques
– toucher des parties de notre corps en demandant d’imiter : d’abord une puis plusieurs à la suite
– faire des mouvements de bras, de jambes…
– jouer avec la pâte à modeler : imiter ce que fait l’enfant, faire nous-mêmes des formes et demander de faire pareil
– chanter des comptines à gestes : en utilisant des gestes conventionnels ou non
– exécuter des actions avec les objets ou meubles de l’environnement naturel : fermer la porte, monter sur la chaise, toucher un livre, allumer la lumière
– de nombreux jeux proposent des cartes avec des positions à mimer : Mime les actions, Les parties du corps, Les cartes animalières, Les cartes motricité globale, Pouet pouet, Mimons ensemble, Mimomonstres…
- Imitation de mimiques
Je place l’imitation des mimiques et le travail bucco-facial à part car il y a beaucoup à travailler sur ce plan, même s’il fait bien sûr partie de l’imitation motrice.
Activités : on part comme pour les autres domaines d’imitation de notre propre visage, en faisant des grimaces, mimant des émotions… Il est utile de travailler avec un miroir.
Il peut également être intéressant d’agir en contexte, en ayant la possibilité de travailler avec les parents. Par exemple, dans la vie quotidienne, quand l’enfant est content, et qu’il sourit naturellement, on peut le verbaliser, lui montrer dans un miroir comment est son visage quand il sourit, sourire à notre tour, … Idem quand il est triste, en colère…
Il existe là encore de nombreux matériels travaillant les praxies bucco-faciales et les mimiques d’émotions : Mimic, Jeux de visages, L’esprit des autres, Loto des expressions, Kit des émotions, Grimassimix, Zygomar, Monstre-moi, Sammys quartett, MimiQ, Grimaces, Les expressions du visage, E-motions, Colorcards Sentiments, …
- Imitation d’utilisation d’objets
Matériel : lunettes, brosse à cheveux, peigne, brosse à dents, gant de toilette, cuillère, verre, fourchette, téléphone, crayon, chapeau, instruments de musique, ballon, poupée
Activités : on montre à l’enfant comment on utilise l’objet sur nous-mêmes, puis on le lui fait utiliser sur lui, sur nous, sur une poupée… Ce travail favorise l’autonomie dans la vie quotidienne, il est à travailler souvent. Les personnes porteuses de TED ont des difficultés à utiliser les objets de façon adaptée, et les gestes usuels sont donc à enseigner avec patience. Là encore, on diminuera les guidances progressivement, on fera varier les supports et les renforçateurs.
Le jeu Pantomime est intéressant dans ce domaine.
- Imitation de placement objets
Matériel : jouets en double de type playmobils, personnages, objets, poupée, accessoires, lego, images (de mémory par exemple)
Activités : L’adulte et l’enfant ont chacun une corbeille de matériel identique. L’adulte place les objets/legos/images et l’enfant doit faire pareil. Des éléments de progression peuvent être les suivants :
– augmenter le nombre d’objets, en commençant par 2 ou 3
– partir d’objets très différents puis réduire les différences pour favoriser l’attention et la discrimination
– placer les objets en ligne, puis faire varier les positions : devant, derrière, sur, sous…
– faire varier les postures des personnages : assis, couché, debout
– commencer par placer un objet et demander de faire pareil, puis mettre 2, 3 objets en même temps et demander ensuite de faire pareil
– construire une scène finie, et demander de faire pareil : on peut donner les objets un par un, puis tous les objets sans intrus, puis une corbeille avec des intrus
– on peut également travailler avec des cartes de modèle avec des scènes à construire. Soit en les faisant nous-mêmes (prendre des photos de scènes de playmobils, de constructions en lego, d’images), soit avec des jeux existants : Atelier topologie 1 et atelier topologie 2, Pragma, Promenade au parc, La chambre de Léa, Château fantômes, Les bobinettes, Les dragonneaux, Toporama, Colorcubes, Construction tridimensionnelle, Castle Logix, et tant d’autres…
- Imitation vocale
Activités :
– imiter le son que produit l’enfant tout de suite après
– produire un son que l’enfant a fait auparavant
– faire des chansons avec des bruits, des onomatopées
– imiter les bruits des objets (pendule, sonnette, voiture, téléphone, train,… )
– imiter les bruits des animaux
– avec des jeux du commerce : Tip top clap, Pouet pouet
- Imitation verbale
Matériel : environnement
Activités :
– donner un objet en disant le nom puis augmenter le temps de latence avant de dire le mot : ceci marchera d’autant mieux si l’objet est aimé et que l’enfant est motivé pour l’obtenir
– demander d’imiter des sons, des syllabes…
– se saisir de tous les moments de jeux ou de la vie quotidienne pour s’exclamer « ooh… », « aah » et attendre l’imitation
– chanter avec l’enfant, laisser le temps s’il veut prendre la parole à son tour
– insister sur certains mots du quotidien : bonjour, au revoir, maman, papa
Source : http://www.autisme-orthophonie.fr/?p=532
Développer les unités fonctionnelles du langage : l’imitation motrice.
L’imitation motrice est l’un des précurseurs du langage, elle représente la capacité de l’enfant à imiter, à reproduire les gestes qu’il observe chez les personnes de son entourage. Celle ci joue un rôle très important dans les apprentissages sociaux ainsi que dans le langage.
On distingue deux domaines d’application :
- l’imitation des mouvements de motricité globale qui concerne l’utilisation et la coordination des grands muscles (marcher attraper, sauter…)
- l’imitation des mouvements de motricité fine qui concerne la planification et l’exécution des mouvements manuels (enfiler des perles, couper avec le ciseaux, dévisser un bouchon …).
Très tôt, il est important d’encourager les enfants à imiter ce que nous faisons. Chez les enfants avec autisme on observe une carence dans ce domaine c’est pourquoi cette unité doit être stimulée dès le plus jeune âge.
Nous travaillerons ci dessous plusieurs phases
1er phase : Imiter les gestes de l’enfant
Il a été prouvé que les enfants autistes, quelque soit leur niveau de développement cognitif, sont sensibles à être imités. Lorsqu’ils le sont, ils présentent plus de signes d’attention conjointe (regard vers son interlocuteur, sourire, contact physique, proximité etc…). Lorsque l’enfant met ses mains sur ses yeux, mettez vos mains sur vos yeux, lorsqu’il danse, dansez avec lui.
Attention votre imitation ne doit ce faire que pour des comportements positifs et ne doit pas entraîner le renforcement de comportements dit « problèmes » par exemple si l’enfant crie pour obtenir quelque chose en aucun cas son cri doit être suivi du votre. Si l’enfant jette un objet pour obtenir votre attention, ne jetez pas d’objet à votre tour.
2em phase : Imiter des mouvements de motricité globale sans objet
Lever les bras, sauter, se baisser, taper dans les mains etc… sont des mouvements de motricité globale. Lorsque vous travaillez l’imitation motrice, utilisez la consigne « FAIT PAREIL », suivi de l’action à imiter, pour voir si l’enfant est capable de vous imiter. Adaptez l’activité à votre enfant pour qu’il puisse la réussir sans échec. Guidez physiquement l’enfant si nécessaire puis estompez la guidance progressivement. Pensez à l’informer sur le fait qu’il pourra accéder à quelque chose de plaisant, lorsqu’il aura accompli l’imitation.
Vous pouvez également travailler la motricité globale à travers de jeux:
- Jeux de miroir : Placer vous en face de l’enfant. Faite différentes postures et demander à l’enfant de les répéter. Cette activité peut être aussi intéressante et amusante devant un grand miroir.
- Chansons de gestes : Trouver toutes sortes de petites chansons avec des gestes. Une fois les chansons connues de l’enfant, vous pourrez ne plus chanter et faire seulement les gestes.
- Jeux d’imitation : « jacques à dit » Vous pourrez demander à l’enfant de mener le jeu par la suite.
3eme phase : Imiter des mouvements de motricité globale avec objet
Taper sur un tambour, lancer un ballon, jouet aux marionnettes etc…. sont des mouvements de motricité globale avec objet. Pensez à la consigne « FAIT PAREIL », suivi de l’action à imiter. Adaptez l’activité à votre enfant pour qu’il puisse la réussir sans échec. Guidez physiquement l’enfant si nécessaire puis estompez la guidance progressivement. Si l’objet utiliser est renforçant/motivant pour l’enfant les résultats seront vite présents. Si l’objet utilisé est peu ou pas renforçant pour l’enfant, pensez à l’informer sur le fait qu’il pourra accéder à quelque chose de plaisant, lorsqu’il aura accompli l’imitation.
- Jeu de marionnettes ou de personnage : Chacun sa marionnette/son personnage, faites des gestes avec le votre et demander à l’enfant de faire la même chose avec le sien
- Jeux avec accessoires : sauter dans un cerceau, jeux de ballon ou de balle, utiliser un instrument de musique etc… Chacun son accessoire, faites l’action pour montrer à l’enfant ce que l’on attend de lui et demandez lui de le reproduire.
4em phase : Imiter des mouvements de motricité fine.
Coller des images, écrire son nom, faire un collier, couper etc… sont des mouvements de motricité fine. Montrer l’action à faire en disant « fait pareil ». Attention: adaptez l’activité à votre enfant pour qu’il puisse la réussir sans échec. Par exemple pour une activité enfilage de perles choisissez de grosses perles pour commencer car elles seront plus facile à enfiler. Guidez l’enfant physiquement si nécessaire puis estompez la guidance progressivement. Si l’activité est renforçante/motivante pour l’enfant les résultats seront vite présents. Si l’activité est peu ou pas renforçante pour l’enfant, pensez à l’informer sur le fait qu’il pourra accéder à quelque chose de plaisant, lorsqu’il aura accompli l’imitation.
- Activités manuelles : Faire un boudin en pâte à modeler, confectionner un collier de perles, coller des gommettes ou des images etc… Adaptez la grosseur du matériel à la capacité de votre enfant, avec le même matériel que lui, faite votre création et dites lui « fait pareil »
- Jeux de dessins ou de coloriage : les dessins identiques (Choisir une image et la colorier. Remettre la même image vierge à l’enfant. Lui demander de la colorier exactement comme vous l’avez fait). Au début commencez que par une forme à colorier avec une couleur, puis passez à des dessins plus complexes progressivement et ajouter ensuite les différentes couleurs progressivement). Dessins à compléter: un dessin chacun, montrer l’action à accomplir sur votre dessin et donner la consigne « fait pareil » par ex: sur une échelle faire tracer les barreaux, dans un arbre rajouter les pommes etc…
- Série d’objets : Préparer deux séries d’objets. Garder une série d’objets et remettre l’autre à l’enfant. Etablir un ordre dans la série telle que : voiture, camion, vélo, bus etc… Présentez votre série et demander à l’enfant de reproduire la même série avec ses objets en lui disant « fait pareil ». La aussi progressez avec l’enfant, commencez avec un nombre restreints d’objets puis rajouter d’autres objets dans la série.
- Jeux de construction: répartissez entre vous le mêmes nombre de pièce. Créer une structure puis demander à l’enfant de reproduire la même structure en disant « fait pareil ».
Pour progresserez dans ces 4 phases, vous pouvez :
- Augmenter le nombre d’imitation de mouvements de motricité globale ou fine avec ou sans objet.
- Imiter des actions à plusieurs composants (ex se toucher la tête en levant une jambe, couper une feuille en suivant un trait, coller une image dans un cadre etc…)
- Imiter des actions dans l’environnement naturel (ex : ranger ses feutres dans une trousse, mettre son assiette sur la table etc…..)
Surtout, ne pas oublier qu’il faut féliciter l’enfant pour ses efforts et adapter votre activité en fonction de ses capacités pour lui permettre de réussir.
Source : http://www.agirpourlautisme.com/autisme-et-langage-comment-enseigner-limitation-motrice-2
Autisme et langage: comment développer l’imitation vocale

L’Echo ou l’imitation vocale, est une unité fonctionnelle du langage capitale, qui favorise un échange affectif et une attention pour son interlocuteur. Elle soutient l’acquisition de certaines compétences du langage. l’échoïque est la capacité à répéter des sons, des mots, des phrases.
Développer l’écho, implique différentes étapes,
en lien avec la motivation de l’enfant (voir renforçateurs).
- 1er étape: répéter des lettres/ ou des sons :
les voyelles faciles : a, o, i, é puis
les consonnes faciles : m, p, t, b, d, puis
les sons plus difficiles : f, s, j, r, l puis
les groupes consonantiques : tr, fr, etc….
Lorsque vous travaillez les lettres ou les sons, il convient de toujours lier la lettre ou le son avec un objet présent ex : B comme « Bulle » l’apprentissage en sera plus performant.
- 2em étape : répéter des syllabes : ex : ta, ti, to, té / ma, mi, mo, mé etc…
- 3em étape : répéter des enchaînements de syllabes homogènes: ex papa, bébé, mémé etc… puis des enchaînements de syllabes hétérogènes : ex gâteau, papi, tatie etc…
- 4em étape : Une fois les trois premières étapes acquises, répéter des mots .
- 5em étape : Répéter des phrases
Procédure pour ces 5 étapes:
- Utiliser un objet ou une activité renforçante par l’enfant.
- Dire le nom de la lettre, la syllabe, le mot ou la phrase trois fois avec des intervalles d’une seconde à chaque fois.
- Si l’enfant imite la lettre, la syllabe, le mot ou la phrase, ou procure des efforts prononcés pour imiter la lettre, la syllabe, le mot ou la phrase, il convient de lui faire accéder immédiatement à l’objet ou l’activité qu’il affectionne et/ou de le féliciter.
- Si l’enfant n’imite pas la lettre, la syllabe, le mot ou la phrase demandée, il aura un accès très limité à l’objet ou l’activité qu’il affectionne.
- faire des bulles est une activité très appréciée de Paul 5 ans atteint d’autisme. Paul produit des sons stéréotypée, mais ne sais pas les imiter, il est capable de demander des objets qu’il affectionne, par des signes.
- Son interlocuteur lui présente le flacon de bulle. Paul montre son intérêt pour ce flacon de bulle en tendant son bras vers le flacon.
- L’interlocuteur répète trois fois le son « be, comme bulle » avec une seconde de silence entre chaque mot : « be, comme bulle » 1 seconde « be, comme bulle » 1 seconde « be, comme bulle »
- Paul répète le son « be » ou produit un effort important pour prononcer le son « be » sont interlocuteur produit beaucoup de bulles pour Paul et/ou le félicite.
- Paul n’imite pas le son « be » et produit peu d’effort après la procédure, son interlocuteur ne lui fait qu’une ou deux bulles.
Exemple 2 :
Marie aime beaucoup regarder les bulles de savon, elle utilise des signes et un certains nombre de mot, liés à ses intérêts, pour communiquer.
L’interlocuteur répète trois fois le mot « bulle » avec une seconde de silence entre chaque mot : « bulle » 1 seconde « bulle » 1 seconde « bulle »
Si Marie répète le mot « bulle » ou produit un effort important pour prononcer le mot « bulle » sont interlocuteur produira beaucoup de bulles et/ou la félicitera.
Si Marie n’imite pas le mot « bulle » et produit peu d’effort après la procédure, son interlocuteur ne lui fera qu’une ou deux bulles.
Conclusion :
- Assurez vous que l‘enfant est capable de parler : écartez le problème médical
- Adapter votre apprentissage aux capacités de l’enfant
- Soyez attentif au degrés d’effort fourni : un simple « B » pour un enfant non verbal ne doit pas passer inaperçu et doit être renforcé de façon +++, alors qu’un simple « B » pour un enfant verbal doit être renforcé faiblement.
- Aidez l’enfant à muscler sa bouche, pour améliorer sa force et son contrôle grâce à de petits exercices : boire avec une paille, boire à la bouteille, faire des bulles, travailler sur les praxies bucco faciales…
- Une fois que l’imitation (l’écho) est immédiate et régulière au travers de plusieurs objets, il convient de supprimer la guidance échoïque pour renforcer la demande. L’interlocuteur utilisera la question « Qu’est ce que tu veux ? », la réponse attendue est « be », « bulle » ou « je veux les bulles », l’utilisation de guidance est possible puis estompée au fur et à mesure de l’apprentissage. De la même manière que ci dessus l’accès à l’activité « bulle » est dosée selon l’implication de l’enfant.
Source : http://www.agirpourlautisme.com/autisme-et-langage-comment-developper-limitation-vocale
Les neurones miroirs
Découverts dans les années 90 par Giacomo Rizzolatti, neurologue à Parme, les neurones miroirs sont une révélation majeure dont on n’a pas fini de faire le tour ! Les neurones miroirs signifient que le cerveau réagit non seulement à soi mais aussi à son semblable. Fondamentales donc dans notre système de relation, ces neurones miroirs font partie de nos 100 milliards de neurones. Ils s’activent (en miroir) lorsqu’il y’ a geste et également, chez l’homme, lorsqu’il y’ a intention de geste.
Les conséquences de cette découverte dans la compréhension de nos processus de communication sont prodigieuses. On comprend l’utilité de cette découverte pour la neuroéducation.
D’après l’intervention de Fawzia Chéliout-Héraut, Professeur de Neurophysiologie, Faculté de Médecine de Paris Ouest, sur les Neurones Miroirs lors du symposium de Neuroéducation à Collioure, proposé par l’Institut International de Neurodidactique:
Caractéristiques des neurones miroirs
Leur caractéristique principale est de s’activer (aire F5 du lobe frontal) non seulement quand on exécute une action mais aussi quand on l’observe chez l’autre. En d’autres termes, si vous tendez la main pour saisir votre tasse de café, dans votre cerveau, les neurones spécifiques aux séquences de ce geste s’activent (« neurones canoniques » du lobe frontal découverts il y’a des dizaines d’années).
Et, ce que nous révèle Rizzolatti, c’est qu’une partie de ces mêmes neurones s’activent si je vois quelqu’un tendre la main pour saisir sa tasse de café, sans exécuter le geste moi-même. Mon cerveau s’allume quasiment de la même façon si j’agis ou si je regarde faire. Cette implication de notre propre système moteur, alors qu’on observe une action, nous permet d’accéder à la signification de cette action.
En vous voyant prendre votre tasse de café, en l’expérimentant moi même, je saurai que vous allez boire. Ce système de neurones miroirs nous donne une compréhension réelle, une connaissance sur la forme et le fond du mouvement de l’autre. Ce « vécu » nous livre l’intelligibilité d’une action; il nous rend capable de nous situer au-delà d’une description. Et d’anticiper ; je pourrais vous dire à ce moment là, « Attention, c’est chaud ! »
L’activation du système miroir ne s’active qu’au sein d’une même espèce. C’est pourquoi, si vous observez un chien mordre pour manger, vos neurones miroirs s’activent, mais pas si vous le voyez ou si vous l’entendez aboyer. Et si c’est un robot que vous voyez prendre la tasse de café, ces zones ne « s’allumeront » pas.
Je vous laisse imaginer la profondeur humanisante de ces neurones qui ne s’éclairent qu’à la reconnaissance de l’humanité de mon semblable…
Et c’est pour cela qu’on les appelle parfois les neurones de l’empathie. V. Ramachandran les appelle même les « neurones Gandhi »!
Le rôle principal des neurones miroirs est donc de comprendre les gestes moteurs effectués par autrui en les comparant à son répertoire moteur propre. Et nous n’avons pas besoin de voir l’action pour que ces neurones miroirs s’activent ; Entendre peut suffire. Vous entendez le bruit de la porte derrière vous, vous savez que quelqu’un entre.
>> Mémoire ou mémoires, comment s’en servir ?
>> La Neuroéducation : les apports des sciences au profit de l’apprentissage
Neurones miroirs : comment ça marche ?
La condition majeure pour que cela marche est d’avoir déjà présent dans notre répertoire moteur (notre gigantesque médiathèque interne de capacités d’action) l’acte simple à reproduire. La reproduction ou l’imitation d’un acte n’est possible que SI il existe des patterns moteurs déjà présents dans le cerveau de l’individu.
Des patterns moteurs peuvent être préexistants (renforcés par le sommeil paradoxal selon le professeur Jouvet) ; les neurones miroirs s’activent même en l’absence d’expérience motrice vécue, à condition d’avoir le répertoire dans notre cerveau. C’est ce qu’on appelle les comportements innés. C’est une bonne nouvelle, car nous ne sommes pas obligés d’avoir tout expérimenté pour être capables de le faire ou de l’apprendre ! Ouf ! Merci encore à notre extraordinaire plasticité cérébrale !
L’activité de ces neurones miroirs est en étroite corrélation au degré d’habileté ; plus je maîtrise une action, plus mon système miroir s’active lorsque je l’observe chez quelqu’un d’autre. D’où l’importance de la pratique. La familiarité visuelle n’est pas toujours suffisante. Il faut voir et agir.
De nombreuses expériences ont été menées. Fawzia Chélia-Héraut expose l’observation de l’activité des neurones miroirs de danseurs professionnels de sexe masculin, plus marquée s’ils observent des pas de danse qui leur sont spécifiques plutôt que ceux effectués par les danseuses, et vice-versa.
Ce système miroir est mis en place dès le plus jeune âge (on le voit bien dans le mimétisme de l’enfant, imitation à l’origine de son apprentissage) et serait déjà là probablement à la naissance. Des déficiences de ce processus mimétique seraient sources de pathologies.
Neurones miroirs et intention
La compréhension du geste n’est pas la seule fonction des neurones miroirs.
Les neurones miroirs permettent de comprendre le but poursuivi. Par exemple, si j’observe quelqu’un prendre un fruit dans une corbeille, la présence des neurones miroirs me permet de savoir, selon le contexte, si la personne saisit ce fruit pour le déplacer ou pour le manger. Car les différentes aires cérébrales activées par ces neurones miroirs nous rendent capables de saisir l’intention en contextualisant l’action.
Leur rôle principal serait donc d’entrer en relation avec l’autre, la capacité d’adopter son point de vue, de le comprendre. Au delà de l’intention gestuelle, les neurones miroirs nous rendent capables de discerner la pensée d’une action. Si je vous vois ouvrir la fenêtre, je peux me dire « tiens, il ouvre la fenêtre, il a chaud », je comprends votre intention.
Pas de culture sans neurones miroirs ?
Vilayanur Ramachandran situe la signification des neurones miroirs comme base de notre culture : « l’émergence soudaine, et le développement rapide d’un nombre de compétences unique aux humains comme l’utilisation d’outils, la maitrise du feu, d’abris et bien sûr, du langage, et la capacité de comprendre ce qu’il y a dans la tête de l’autre et d’interpréter les comportements de cette personne fut l’émergence soudaine d’un système de neurones miroirs sophistiqué, qui nous a permis d’émuler et d’imiter les actions d’autres personnes. » Cette liaison immédiate entre connaissance visuelle et connaissance motrice permet aux compétences acquises de se transmettre rapidement.
Autrement dit, c’est grâce aux copains d’avant qui ont eu la bonne idée de faire un p’tit feu et de s’abriter dans des grottes qu’on réchauffe nos surgelés au micro onde, dans nos douillets intérieurs; on imite, on apprend, et quand on a intégré la base, on améliore et on invente ! Apprendre en imitant est le propre de l’homme. Et ça va vite ! 100 000 ans entre Cro-Magnon et nous, c’est pas grand chose !
Rizzolatti disait : « Si on ne sait pas imiter, il n’y a pas de culture. »
D’abord observées chez le macaque, ces neurones miroirs ont été révélés chez l’homme de façon bien plus développée et entrelacée au niveau des aires cérébrales, puisqu’elles touchent, d’une part, notre système moteur –planification, organisation et exécution de l’acte- mais aussi, notre système limbique –siège de nos émotions- .
Système miroir et système limbique
Le système limbique occupe le centre du cerveau et définit un groupe de structures jouant un rôle très important dans l’olfaction, la régulation des émotions, les apprentissages et la mémoire.
Le système miroir limbique est dédié à la reconnaissance du comportement affectif.
Notre système miroir limbique s’active lors de la perception, ou même l’évocation, d’une souffrance, d’une joie, d’une peur, d’une colère,,, reflet de l’émotion ou de la douleur vécue par autrui. On a tous expérimenté ce partage d’émotions vis à vis d’autrui. Que ce soit joie ou peine, au-delà de comprendre ce que la personne éprouve, notre faculté à la ressentir se lit et s’exécute dans notre cerveau et explique le phénomène de contagion de certaines émotions.
Neurones miroirs et empathie
Comme le système miroir des émotions permet de simuler l’état émotionnel d’autrui dans notre cerveau, le système miroir sensoriel permet de ressentir la douleur « à la place de… » Je vois quelqu’un se coincer les doigts dans une porte… aïe aïe aïe !
Dans les deux cas, le constat de cette activation du système limbique nous donne la clé du mécanisme de compréhension d’autrui et situerait donc dans notre système miroir la naissance de l’empathie.
• Attiré par le cri d’une mère de l’autre coté de la rue, vous voyez un enfant traverser alors qu’une voiture arrive. Que ressentez-vous ?
• Week-end bricolage. Votre conjoint (e) coince son doigt sous le marteau, qu’exprimez-vous ? qu’éprouvez-vous ?
Bon, tout cela ne veut pas dire que l’homme est un être toujours solidaire, toujours altruiste, toujours compréhensif et sur la même longueur d’ondes que ses semblables !… Cyrulnik appelle pervers celui qui a de larges défaillances au niveau de son système miroir ; la pression mimétique du groupe peut aussi expliquer certaines barbaries, les travaux de Milgram sur la soumission à l’autorité valident la « banalité du mal », mais tout cela est un autre sujet.
Neurones miroirs et langage
Pour l’instant découverts dans les aires visuelles, motrices et sensorielles, des neurones miroirs n’ont pas encore été trouvés (recherches très coûteuses) dans les zones classiques du langage comme le lobe temporal gauche.
Les défenseurs de la théorie selon laquelle les neurones miroirs seraient également impliqués dans l’apprentissage de la langue s’appuient sur l’hypothèse motrice du langage (quand on émet des sons, on fait des mouvements de gorge, de bouche, etc). Le langage verbal serait une évolution du langage gestuel, nettement plus ancien. Les neurones miroirs créent un lien direct entre l’émetteur du message et le receveur, sans médiation mentale : le geste ou l’action est comprise grâce au mécanisme de reflet.
Certains pensent aussi que peut-être, en fait, tous les neurones auraient la capacité de remplir une fonction miroir.
L’homme étant être de relation, même si l’on discerne encore peu toute la portée de cette découverte des neurones miroirs, on peut y déceler de puissants éclairages sur nos relations, notre mode de communication, et leur rôle dans l’éducation.
Neurones miroir et apprentissage
Observer puis reproduire, imiter pour apprendre : rien de très nouveau sous le soleil ! C’est donc toutes les fonctions sous-jacentes qu’il faut envisager et leurs extraordinaires connections.
Néanmoins, il semble intéressant de noter que l’imitation est un processus très avancé ; complexe dans ses connections, elle est finalement davantage propre à l’homme qu’au singe. L’idée très répandue que notre cerveau fonctionne uniquement par déductions logiques et cartésiennes compliquées est obsolète. L’Art souligne la noblesse de l’observation et les vertus de la copie. Giotto passa son enfance à dessiner les brebis qu’il gardait et la nature qui l’entourait avant d’être repéré par Cimabue et devenir le sublime peintre que l’on connaît, audacieux et novateur. Dans sa Vies des peintres, Vasari note qu’ « Il est à remarquer que Raphaël, en étudiant la manière de Pietro Perugino, l’imita si bien et en toutes choses que l’on ne pouvait distinguer les copies de l’élève des originaux du maître »; Vinci devint Vinci après avoir copié et imité son maître Verrochio des années durant. La liste serait longue. Chacun a imité avant de proposer quelque chose de nouveau.
Le grand dramaturge et metteur en scène Peter Brook écrivait à son ami Giacomo Rizzolatti, découvreur des neurones miroirs, que les sciences cognitives étaient en train de découvrir ce que les gens de théâtre savent depuis toujours.
En situation d’apprentissage, nous dit le docteur F. Héraut, geste et parole activent chacun cette zone miroir ; s’ils sont incohérents, le cerveau perçoit cette contradiction.
C’est ce qu’on appelle la congruence. Ou l’incongruence. On connaît son impact dans la communication. Si quelqu’un vous répond « oui, oui » en oscillant la tête de gauche à droite, vous ne recevez pas le message. L’être humain perçoit l’authenticité de manière naturelle.
Au-delà de l’apprentissage par imitation, on peut en déduire que la qualité de la présence est primordiale dans la question de la transmission. « Grâce à vous, je me vois posséder un talent que je ne pensais pas avoir » reçoit Michel Ange d’un de ses élèves. L’émulation. Les prodigieuses possibilités qu’ouvre l’émulation. Une émulation qui doit se faire dans la collaboration pour éveiller ce désir d’apprendre dans de bonnes dispositions émotionnelles. Une émulation inspirante.
Et retenir que ces neurones s’activent dans l’action ; Valoriser le « faire », la relation, l’échange, concrétiser l’enseignement, expérimenter, associer visuel-auditif-kinesthésique (mouvement/toucher), générer des émotions positives,… Souvenons-nous que notre système limbique, très actif dans le processus d’apprentissage et la consolidation de la mémoire, relie nos comportements à la valeur affective qu’on attribue aux informations reçues. On a tous connu cet élan qui nous pousse à bosser pour un prof qu’on aime bien ou avec un groupe qu’on apprécie. Les adolescents ont un fort besoin d’appartenance et d’action; pourquoi pas entrer en résonance ?
Correspondance entre Sciences et Humanités
Cette découverte des neurones miroirs offre une relecture des textes anciens et de la théorie du désir mimétique lancée par le philosophe René Girard. Neurosciences et Sciences Humaines se rejoignent, principe de la neuroéducation.
Bien que notre système miroir ne soit pas à réduire au mimétisme, Jean-Michel Oughourlian, neuro-psychiatre, propose la nouvelle perspective du troisième cerveau, celui du désir mimétique en adoptant l´anthropologie du désir mimétique développée par René Girard. Pour René Girard, les « lois psychologiques », si bien décrites ainsi par Marcel Proust s’appuieraient sur le caractère mimétique du désir. Le désir mimétique serait le système par lequel les humains entrent en relation (« je veux faire, être, avoir… comme lui ») Pour le meilleur et pour le pire !… Car si la mimésis d’Aristote nous permet d’entrer dans le monde de l’Art, le désir mimétique peut susciter inspiration, différenciation (permise par le rejet – adolescence et processus identitaire), tout comme envie, jalousie, colère et provoquer ainsi les plus grandes rivalités et violences.
Alors ? Imiter ou modéliser ?
Les neurones miroirs ne sont sûrement pas là pour nous asservir, mais pour nous servir. La conscience de notre nature et l’espérance de notre culture s’invitent sans doute au banquet de la réflexion…
Laure de Balincourt